Comparaison nutritive entre espèces aquatiques sauvages et élevées

Rédigé par Aquideas 1 commentaire
Classé dans : Santé, Nutrition, Poisson Mots clés : aucun

Chaîne alimentaire... (source: presse étrangère il y a plus de 20 ans)

     Vous êtes-vous déjà demandé s’il y a une différence de valeur nutritive entre des crevettes ou des poissons pêchés en mer ou dans une rivière et ceux provenant d’un élevage commercial ?

     La réflexion est importante en sachant que ces animaux aquatiques peuvent parfois être recommandés par un diététicien ou autre spécialiste de la santé pour améliorer, corriger ou compléter vos apports alimentaires habituels. Chez les consommateurs, on constate aussi une prise de conscience plus forte sur les aspects alimentaires qui nous sont offerts ...souvent à grands renforts publicitaires. Comme nous vous l’avons déjà communiqué dans un article antérieur, la diète de ces animaux (ce qu'ils mangent) ont bien sûr un impact sur leur propre composition.

     Il y a quelques décennies, on donnait aux poissons un aliment qui devait être « rentable », en ce sens qu’avec un minimum d’alimentation les poissons devaient atteindre au plus vite une valeur marchande. En d’autres termes sur la durée du grossissement d’un poisson, il faut lui donner un total de « x » kilos d’aliment industriel pour qu’il atteigne « y » kilos (en poids). Dû au fait que ces aliments artificiels1 sont généralement chers pour une production commerciale, ils représentent toujours un gros pourcentage du budget annuel (autour de 40% - cela dépend du poisson; moins pour les crevettes - à cause du coût des écloseries). Donc, il convient de donner le moins d’aliment possible pour obtenir un poisson le plus lourd possible ...toujours en tenant compte d’une croissance optimalisée2. Mais aujourd’hui, cette approche est entrain de changer : il n’y a plus seulement l’aspect « économique » qui compte dans l’aliment, mais il y a également sa composition qui se répercute sur la « qualité nutritionnelle » face à un humain qui souhaite mieux s’alimenter pour en améliorer sa santé !

     En fait, tous ces animaux aquatiques sont avant tout une source précieuse de protéines. Dans la nature, beaucoup de poissons sont carnivores et la plupart d'entre eux ne peuvent faire l’objet d’un élevage (il y a quelques exceptions, comme les truites, saumons et crevettes). En effet, cela serait bien trop coûteux étant donné que sur le marché international, les farines de poisson, viande et dérivés (celles qui donnent beaucoup de protéines) sont encore plus chères. Toutefois, on constate qu’il n’y a pas beaucoup de différence en quantité et valeur protéinique entre une grande crevette piégée dans un estuaire et une provenant d’un élevage.

     Au contraire en ce qui concerne leurs graisses (lipides), il y a parfois des écarts importants si on se penche sur les types d’acides gras qui les caractérisent. D’abord, les espèces élevées avec des aliments artificiels (provenant de l’industrie) semblent être plus grasses que leurs homologues dans la nature. Mais dans tous les cas, poissons, crustacés et bivalves marins vous apporteront des acides gras insaturés riches en omégas-3 (ω3) et aussi en omégas-6 (ω6) ...qu’en général peu d’animaux peuvent vous fournir3. Ces ω3 sont essentiels, car d'abord ils ne peuvent être synthétisés par notre organisme, ensuite parce qu'ils interviennent dans le métabolisme de beaucoup de fonctions dans notre corps . Parmi celles-ci, citons l'activation d'hormones qui contrôle l'inflammation et l'immunité, la fonction vitale dans la structure et la fluidité de nos membranes cellulaires (en d'autres termes, notre croissance et développement), son rôle dans la vision, le fonctionnement de notre cerveau et du système nerveux, le contrôle de notre pression artérielle, celui de l'obésité et d'autres possibles dysfonctionnements pouvant parfois conduire à des maladies incurables. Cependant, le ratio d'ω6/ω3 doit tendre vers l'équilibre étant donné qu'ils utilisent les mêmes voies internes, mais dans des sens opposés (inflammation vs anti-risques de dégradation de la santé).

     Nous vous avons déjà expliqué antérieurement que cela était parfaitement logique ...car dans la nature l’animal doit sans cesse se battre contre les inadvertances de son environnement (surprises/alertes ; hostilité d’autres espèces ; rareté saisonnière des aliments ; autres impairs ou inconstances du milieu naturel/sauvage). Au contraire, les espèces élevées en étang sont relativement mieux protégées et leur alimentation est adaptée et régulière (constante). Ce milieu contrôlé est donc plus favorable pour l’engraissement proprement dit. Et c’est là toute l’importance de s’informer au sujet de la composition des aliments donnés à l’élevage. C’est ici aussi qu’on apprécie le professionnel responsable ...qui ne voit pas que les bénéfices, mais également la façon d’offrir un bon (meilleur) produit au consommateur. Cette approche est particulièrement vitale pour tous ceux qui recherchent à manger plus sain c’est-à-dire du qualitatif.

     Ainsi, une truite élevée dans un étang ou en raceway (conditionné par ce qu’elle recevra pour manger) sera généralement plus calorifique qu’une truite pêchée à la ligne dans une rivière. Toutefois, un poisson ou une crevette restera toujours tributaire de ce qu’elle ingurgite et il ne fait aucun doute qu’une alimentation provenant directement de la nature (si cette dernière n’est pas elle-même contaminée/polluée) sera et restera toujours de loin plus recommandable que n’importe quel pellet (granulé = mélange de plusieurs farines) issu de l’industrie, même s’il s’agit d’un aliment qui se dit bio ! Dans le premier cas, c’est l’aspect physique qui retiendra notre attention …pour obliger l’animal à faire travailler sa musculature et de là provoquer une dépense d’énergie plus importante. Ainsi ...comme chez les humains, nous aurons à faire avec un animal plus « fit » (en meilleure forme) ...qui donnera à la récolte une chair (texture) beaucoup plus ferme (et non un aspect plus mou, à la saveur farineuse).

     En Amérique du Nord, l’un de nous avait eu la chance unique (et instructive) d’engraisser des milliers de poissons d’eau douce afin d’aider une production industrielle de concentrés destinés à d'importants élevages aquacoles commerciaux. Il fallut non seulement élaborer des diètes commerciales appétissantes pour les poissons, mais surtout nous devions évaluer les excès de certains ingrédients ...peu coûteux (déjà incorporés dans leur composition), afin d’en déterminer l’impact sur la qualité des animaux à la récolte. Cette longue étude (plusieurs années) allait avoir une répercussion essentielle pour fabriquer des centaines de tonnes d’aliments pour l’aquaculture US.

     Ainsi, l’incorporation d’un excès de graisse de porc (ingrédient bon marché) donnait au poisson un goût de ...porc au-delà de 2% dans leur diète. D’autre part, nous avions réussi à influencer la couleur de la chair du poisson en lui donnant un excès de caroténoïdes (comme ce que l’on trouve dans la carotte et le maïs) dans sa diète : en fin d’élevage, la chair du poisson avait viré du blanc au jaune… Observez les saumons qui sont influencés par leur diète dans la nature en mangeant notamment des petits crustacés qui leur donne une chair plus rosée et que l'on peut obtenir en élevage en leurs donnant des aliments incorporant certains caroténoïdes et autres colorants (pigments naturels) pour obtenir les mêmes couleurs !

     Toutefois à force de vouloir obtenir plus d'ω3, il a aussi été observé que si vous incorporiez dans l'alimentation de ces animaux aquatiques trop d'acides gras insaturés, vous pouviez obtenir à la récolte, non seulement des individus au goût peu acceptable, mais aussi - ce qui est plus grave - des animaux plus susceptible au rancissement (par oxydation des doubles liaisons instables). Cela veut dire que des problématiques nouvelles apparaîtraient notamment pour leur conservation à plus long terme. Et nous ne vous parlons pas d'un autre aspect de l'acceptabilité en matière de digestibilité de la part de l'espèce face à la quantité de lipides à avaler !!!

     Vous voyez que les concentrations idéales dans leur alimentation sont à définir et sont généralement résolues par des essais en laboratoires (universités, industries et dans l'élevage pour confirmation en masse).

     Plus près de chez nous ...en Charente Maritime, prenez le cas d'une huître qui se transforme au fil du temps, en relation avec les saisons (notion très importante ...entre autres pour les gastronomes): en mer c'est un mollusque qui s'apprécie pour une certaine agressivité de sa chair très iodées. Lorsqu'on l'affine, elle acquière des particularités organoleptiques en relation avec la durée passées en claires et des spécificités saisonnières. Dans un article précédant, nous vous détaillions ces étapes influençant leur texture, aspect et saveur. Mais ce que l'ont observe au très long terme (certainement pas avant les 6 mois d'affinage ...comme le faisaient les anciens au début du siècle passé), c'est non seulement l'abondance, la fermeté, le croquant et la couleur de sa chair ...comme un bonne "pousse en claire" est sensée offrir, mais c'est en plus une "saveur de terroir" bien marquée (si ce terroir est évidemment de qualité) qui se développe et qui prime sur tous les autres aspects ! C'est ce que remue les gambas et qui est filtré par dames les huîtres qui donne cette saveur unique que recherchent désespérément les (vrais) gastronomes et épicuriens de notre pays.

     Comme quoi, ce que vous mettez dans la bouche a toujours un impact dans votre organisme. De ce point de vue, nous ne sommes certainement pas différents des animaux. Toutefois, ce petit plus se détecte avec les papilles ...lorsque les produits sont issus de bonnes pratiques.

     De toute manière, un poisson vivant dans la nature aura toujours un intéressant contenu en graisses, pendant que celui conditionné en élevage aura toujours tendance à refléter le spectre des acides gras caractérisant l'aliment qu'on lui administre. D'où encore une fois, l'importance de s'informer au-delà du produit frais que vous achetez en poissonnerie ou ailleurs ...pour en découvrir la spécificité d'engraissement, ainsi que la composition4 des aliments s'ils proviennent de l'industrie (granulés, extrudés5, farines, produits dérivés et sous-produits).

     Même s'il y a toujours quelques exceptions (comme les poissons-chats, tilapias et carpes), les poissons et crustacés puisent leur énergie principalement dans leurs protéines et lipides (graisses), car ils assimilent difficilement les carbohydrates ou glucides (sucres).

     Ainsi, les poissons, crevettes et huîtres sont hautement tributaires de ce qu'ils mangent. C'est la raison pour laquelle vous avez tout intérêt d'en connaître la provenance ...pour savoir si ce que vous achetez est bien sain pour votre corps. C'est même une règle générale pour aller vers de bons produits de consommation. Enfin, si vous mangez du poisson frais pêché dans la nature ou provenant d'un étang où il a dû se battre pour rechercher une nourriture naturelle, vous mettez à la disposition de votre organisme une source intéressante d'alimentation.

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1 Ensemble de farines avec certains additifs.

2 Par optimisation, nous voulons dire qu’en engraissant un animal, il y a toujours une courbe de croissance chez l’animal associée avec le type d’aliment (industriel) donné. Généralement, cette courbe monte très vite dans les premières étapes de la vie, puis a tendance à croître plus difficilement après un certain âge (croissance physiologique plus lente de l’animal). L’abatage du cheptel (moment de la récolte) doit se faire optimalement au point d’inflexion de cette courbe ...pour être économiquement intéressant (après on peut encore alimenter, mais il faudra donner plus de kilos pour maintenir le même rythme de gain en poids chez l’animal ...donc beaucoup plus coûteux pour le business). Et cela varie d’un animal à un autre (ex.: poisson versus crustacé), d’une espèce à une autre (ex.: truite vs carpe), d’un genre à un autre (ex.: Penaeus japonicus vs P. monodon), d’un régime à un autre (ex.: carnivore vs herbivore) et bien-entendu d’un type d’aliment à un autre.

3 Des études suggèrent également que des animaux s'alimentant de plantes ont généralement un contenu d'ω3 plus élevé que ceux s'alimentant sur des grains. Des animaux élevés en plein air et s'alimentant de plantes seraient encore plus recommandables.

4 Par composition, nous entendons les pourcentages et types de protéines, lipides, glucides, minéraux et vitamines.

5 Un aliment extrudé pour l'aquaculture se fait mécaniquement avec plus de chaleur (10-200°C), plus d'eau (jusqu'à 30%) et plus de pression (10-20 bars) que les granulés habituels (dont une partie sombrent rapidement dans le fond de l'eau); cela donne pour résultat un aliment dont les protéines sont dénaturées et les parois cellulaires des fibres partiellement dégradées/ramollies/fragilisées (meilleure digestibilité pour l'animal), ainsi qu'à une certaine gélatinisation de l'amidon (aliment qui prenant de l'expansion va pouvoir flotter) ...permettant ainsi de rester plus propre et à l'animal d'en profiter plus longtemps.

1 commentaire

#1  - Didier a dit :

Bonjour,
Je suis plongé dans votre blog depuis un moment.
Incroyable! On ne s'attend pas a ça en visitant un site internet comme le votre.
Merci pour ce temps et ce talent consacré au partage de votre passion et a la sensibilisation au monde animal et gastronome et... a toutes ces sujets que vous abordez!
Je me demandais: Je comprends que les crevettes ne naissent pas dans vos bassins. D’où viennent-elles alors? Combien de temps doivent elles passer, au minimum, en "affinage" dans vos bassins avant que leur métabolisme ne change (et leur qualité gustative avec)?
Didier

Quelle est le cinquième caractère du mot 2gpcikh ?

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