L’ostréiculture à Cuba (1ère partie)

Rédigé par Aquideas Aucun commentaire
Classé dans : Huître Mots clés : ostreiculture huitre cuba

     Sur les côtes cubaines, l’intérêt pour les huîtres a toujours été l’apanage des pêcheurs pour leur alimentation. Dans bien des endroits, les mangroves ont souvent offert un vrai paradis pour la reproduction de beaucoup d’espèces, en particulier pour la collecte de naissains (bébés huîtres).

     Entre 1960 et 1991, le secteur était même devenu actif pour le rendre commercial. Mais à partir de 1996, on constata une augmentation des cyclones tropicaux et une hausse de la fréquence et de l’intensité des ouragans dont étaient victimes les habitats côtiers : ces phénomènes généraient de grandes perturbations sur les mangroves, la déforestation environnementale provoquant l’érosion des terres, une excessive turbidité des eaux et surtout la perte de zones de reproduction (par manque de fixation larvaire), notamment pour les huîtres.

     De plus, la construction de plusieurs barrages-réservoirs d’eau douce (pour l’agriculture et l’industrie) a également eu un impact négatif sur le développement des huîtres le long des côtes : ce manque d’eau douce ne permettait plus à certains endroits la constitution d’eau saumâtre1 et la constitution périodique de phytoplancton. Or, celui-ci est l’aliment de première nécessité pour les larves de beaucoup d’espèces marines. Il fût ainsi observé un ralentissement de 50 % dans la capture des huîtres durant la période suivante allant de 1992-2020. Les indicateurs reflétaient non seulement une mortalité, mais aussi une nette diminution de la taille des espèces marines dû à leur surpêche.

     Enfin, sur les périodes considérées, la production commerciale d’huîtres ne semble pas avoir été rentable d’un point de vue purement financier. Avec les méthodes de gestion et les modèles d’analyse (CMSY2) entre biomasse des ressources et exploitation, seule la région sud-est de l’île pouvait devenir à court terme viable. Le constat était de focaliser sur un développement artisanal pour plusieurs raisons.

     Mais il fût également conclu de réduire l’effort de pêche, ce qui entraîne inéluctablement une diminution de la mortalité dans les bancs d’huîtres, qui à son tour réduit l’impacte néfaste sur l’écosystème et l’environnement. Tous ces facteurs peuvent contribuer à la bonne croissance et une meilleure santé des populations et stocks sauvages d’huîtres.

     A Cuba, les principales espèces d’huître concernées sont Crassostrea rhizophorae (Guilding, 1828) et Crassostrea virginica.

     C. rhizophorae est l’huître la plus abondante : elle a une croissance rapide et est la plus exploitée commercialement. Elle est à la fois cultivée et pêchée.

L’huître de mangrove, C. rhizophorae.

     Plus grande que la première, C. virginica a commencé à être capturée commercialement depuis 2007, mais on ne l’utilise pas dans les fermes ostréicoles. La production nationale de cette dernière espèce (95 % provenant de sept provinces) a été évaluée afin d’en déterminer les avantages pour un éventuel élevage. L’étude scientifique a montré que de très beaux résultats étaient obtenus sur les côtes orientales au sud de l’île où la nature était encore vierge et exubérante  : la chair de C. virginica est indiscutablement plus volumineuse (rendement supérieur) que celle de C. rhizophorae. Elle pourrait donc bien faire l’objet d’une attention pour améliorer la production et par là favoriser des rentrées supplémentaires intéressantes.

L’huître de fond, du golfe ou américaine, C. virginica.

     Entre 2013-2019, la production annuelle brute moyenne d’huîtres oscillait entre 1125-1450 TM (Tonnes Métriques).

Débarquements annuels d’huîtres de mangroves (Crassostrea rhizophorae).

A partir de 2008, les huîtres de fond ou américaine (C. virginica) sont incluses.

     A la fin des années 80s et durant celles de 90s, avec l’appui de la FAO3, le Ministère de l’industrie de la pêche (MIP4), le Centre de recherche sur les pêches de Cuba (CIP5) et le Centre de recherche marine (CIM6) de l'Université de La Habane établirent des écloseries pour le maintient de reproducteurs et le développement larvaire. Malheureusement, plusieurs facteurs n’ont pu permettre d’aboutir aux résultats escomptés. Parmi ces derniers, il y avait d’autres activités prioritaires, surtout ...plus rémunératrices (retour sur investissements plus rentables). Par conséquent, au manque de fonds budgétaires à cette époque particulière et aux coûts prohibitifs des infrastructures pour la reproduction ostréicole, les écloseries furent destinées à d’autres fins.

     Par la suite, la nation observa qu’il y avait déjà une tradition chez les pêcheurs côtiers : avec un pouvoir d’achat très bas, ces derniers parvenaient malgré les aléas des évènements à profiter des ressources locales sans trop d’investissement. Ces pêcheurs produisaient des huîtres en lignes ou au moyen de plateformes flottantes d’où pendaient des grappes ou des colonnes d’huîtres plongeant dans la mer. Périodiquement, ces bivalves étaient mis à découvert par le jeu des marées.

     Les gens du gouvernement constatèrent que les pêcheurs côtiers s’adaptaient donc bien aux nombreuses perturbations périodiques du milieu où ils opéraient. Ils étaient même capables d’opter pour des systèmes naturels d’improvisation témoignant d’une grande résilience. Cette qualité est particulièrement importante et est à la base de tout entrepreneur du secteur privé qui veut que son travail soit viable. Par conséquent, la politique changea et l’activité ostréicole se concentra uniquement sur la collecte d’huîtres dans les bancs naturels. Cette récolte dans la nature a ainsi permis de cultiver des huîtres sans passer par la case « laboratoires » et d’être plus économique (car ils restaient raisonnables dans leur préhension) ...si bien entendu on ne compte pas les heures de récolte (cette façon de travailler se retrouve dans l’ agriculture, car un fermier compte rarement ses heures de prestation).

     Toutefois, cette manière d’agir exige une pratique disciplinée qui doit impérativement tenir compte de l’aspect écologique : l’environnement doit en effet être protégé, car il possède aussi une valeur hautement économique à long terme. Donc, quelques critères s’imposaient :

(a) Il fallut prendre régulièrement des échantillons concernant la qualité de l’eau (pour observer une éventuelle dégradation) ;

(b) Il fallut réaliser des prélèvements périodiques sur la chair des huîtres (pour s’aligner sur les exigences industrielles pour leur commercialisation) ;

(c) On s’engagea dans l’évaluation des milieux où les pêches avaient lieu (mesures de conservation des ressources contre une éventuelle destruction à long terme) ;

(d) On reporta des paramètres pouvant influencer la zone de travail (comme d’éventuelles perturbations climatiques) ;

(e) On estima directement et indirectement les coûts-bénéfices liés à cette préhension dans la mer environnante.

     On fit donc intervenir des instruments et des méthodes pour analyser tous ces critères qui devaient aider dans la gestion de l’activité. C’est ainsi que l’administration s’est penchée sur de telles procédures d’extraction en relation avec le pouvoir de régénération naturelle des bancs d’huîtres.

     L’ostréiculture artisanale a pu par conséquent continuer à se développer de manière viable au plus grand bénéfice des communautés côtières. Les procédés et connaissances étaient peu compliquées à appliquer et la façon d’opérer permit de stimuler la régénérescence naturelle des bancs ostréicoles.

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1 Eau saumâtre = mélange d’eau marine et d’eau douce.

2 CMSY = « Catch Maximum Sustainable Yield » (prise viable moyenne maximum sur le long terme ; récolte maximum pouvant être prise sur un stock sans l’affecter pour sa régénération)

3 FAO = Foof & Agriculture Organization

4 MIP = Ministerio de la Industria Pesquera

5 CIP = Centro de Investigaciones Pesqueras de Cuba

6 CIM = Centro de Investigaciones Marinas de la Universidad de La Habana

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