Apprécier de bonnes huîtres

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     Savourer de bonnes huîtres issues d’un très long affinage ...relève de l’art de la dégustation.

     Lorsqu’une personne m’avoue qu’elle peut avaler 60 huîtres sur le même repas, je me dis en moi-même que nos huîtres méritent bien plus qu’une telle gloutonnerie !

     En réalité lorsqu’un affineur passe autant de temps avec ses huîtres (6, 8, 10, voire 15 mois), des saveurs apparaissent, si bien sûr les conditions climatiques sont réunies. Et elles peuvent être pleinement appréciées si vous passez par un rituel bien particulier.

     Une huître fraîche qui sort tout droit de la mer est caractérisée pour son agressivité au palais ...provenant de l’iode (et non du sel).

     Celle qui est affinée durant 3 semaines, ou “fine de claire”, l’est pour son apparente douceur, car l’iode s’est évaporé en grosse partie (en texture, elle n’est pas fort différente de la précédente ou “pleine mer”).

     Si vous l’affinez pendant 2 mois, ou “spéciale de claire”, la chair plus abondante remplit toute la cavité intérieure, mais elle est toujours transparente.

     Une huître qui est affinée pendant 4 mois, ou “pousse en claire”, entre dans la période hivernale (froide) et développe une substance blanche et croquante: du glycogène (comme nous en possédons dans notre foie1). Cette substance servira a fournir l’énergie nécessaire pour palier au manque de nourriture durant cette dure période qui se caractérise par une réduction drastique de phytoplancton. Son goût se caractérise par une légère saveur de noisette.

     Mais lorsque vous prolongez l’affinage, comme le faisaient les anciens de la profession, vous obtenez au bout de 6 mois un petit plus non négligeable ...qui fait la différence avec toutes les autres huîtres: la chair a une saveur bien marquée ...reflet d’un substrat particulier, d’un terroir qui a dû être choisi au départ (lors de la prospection) avec beaucoup de précaution2. C’est ce qui attire les gastronomes, oenologues et amoureux de bonnes tables.

     Le problème d’aujourd’hui, c’est que time is money et les commerçants ont plus tendance à retrouver le plus vite possible leur investissement au détriment de la qualité. Malheureusement, cette pratique ne sert plus le facteur bénéfique pour l’appréciation de nos papilles, voire dans certains cas notre propre santé !

     Ainsi, pour découvrir les saveurs cachées de nos huîtres très longuement affinées (au-delà de 6 mois en claires):

  1. N’ouvrez-les seulement que 10 minutes avant dégustation. N’oubliez pas qu’après une demi-heure d’ouverture et stockage, il y a déjà des milliers de bactéries de l’air ambiant qui se seront introduites entre les coquilles (les 2 valves). Or, l’air véhicule toutes sortes de pollution.

Et les mettre au frigo ...en attendant leur consommation ...N’est PAS la garantie d’en minimiser les effets néfastes.

Plusieurs me diront que je n’y connais rien et que vous n’avez jamais été malade ...de toute votre vie ...alors qu’elles avaient été ouvertes parfois longtemps à l’avance, puis maintenues au réfrigérateur.

En ayant suivi plusieurs cours de bactériologie appliquée à l’environnement aquatique et réalisé pas mal d’heures de pratiques associées en laboratoires, je peux vous confirmer que les contaminations vont parfois très vite ...la plupart du temps au-delà de ce que l’on peut soupçonner/imaginer !

Certes dans votre frigo, les bactéries continuent à se développer ...peut-être un peu plus lentement ...mais elles continuent néanmoins à se reproduire. Il suffira une seule fois pour vous prendre au dépourvu et vous infliger une fameuse correction (être un jour bien malade ...pour une simple baisse de défense immunitaire). Car un organisme humain qui se fait âgé (en ne prenant que cette tranche-là de la population) expérimente un ralentissement dans le renouvèlement de ses cellules et donc son système digestif et immunitaire ne réagissent plus aussi promptement ...comme dans sa prime jeunesse. Il faut donc être extrêmement prudent et préventif !

  1. Eliminez toujours la première eau par mesure de prudence (réf. Article publié le 1er avril 2022 au point 7)

  1. Si elles sont trop salées, éliminez la seconde eau (parfois, il faut s’y reprendre une troisième fois ...avec un interval de 2-3 minutes).

  1. En bouche, mettez la chair de l’huître à température ambiante. Toutes les ménagères du monde vous diront que le trop froid (comme le trop chaud en d’autres circonstances) dénature beaucoup de délicatesses gastronomiques.

  1. Machonnez/triturez cette chair durant 10-12 secondes pour en percevoir toute la subtilité des saveurs.

     Le processus est long, par conséquent, pas besoin d’en déguster énormément pour se rendre à l’évidence qu’on a affaire avec un produit exceptionnel. Ici, il faut tout de même insister sur le fait qu’il y a une saison plus propice pour les déguster: en hiver, plus précisément entre la fin décembre et la fin février.

     Mais si vous passez par toute ces étapes ci-dessus mentionnées (en particulier les points 4 et 5), je vous garantis qu’après les avoir dégustées, vous resterez avec un délicieux arrière-goût en bouche durant au moins 15 à 20 minutes (ce n’est pas une blague ...beaucoup de nos clients ont déjà expérimenté ce grand moment d’extase).

     Une très bonne dégustation !

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1 Chez l’homme, ce glycogène sert comme source énergétique pour nos différentes fonctions internes lorsque nous sommes par exemple à jeûn ou qu’on doit faire un gros effort physique. Comme vous pouvez le constater, l’huître utilise cette même substance également en cas de besoin (survivre en période plus froide).

2 Lors de l’acquisition de terres (marais), il faudra éliminer toutes celles qui n’offrent aucune caractéristiques pouvant mener au graal des huîtres affinées très longuement. Lors de votre prospection, il faut ainsi éliminer la plupart des terrains rocheux, pauvres (ceux dont la vase est généralement jaune ou brune), oxydés (terres plus rouges) ...au profit de sols beaucoup plus fertiles (comme la glaise bleu-grise) au profil intéressant pouvant développer rapidement du phyto- et zooplancton de qualité. C’est un peu comme les vignes: on ne les installe pas n’importe où pour faire un vin qui se distingue par des propriétés uniques, comme c’est le cas de grands crus (Bordeaux, Sauternes, Châteauneuf du pape...).

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