Quelques phytoplanctons importants (1/3)
(Chaetoceros et Chlorella)
Lorsque vous montez une écloserie, c’est-à-dire une unité pour produire des larves (semences), post-larves, alevins et juvéniles d’espèces aquatiques, l’alimentation pour ces bébés est primordiale.
En effet, après avoir résorbé (utilisé) toutes les particules nutritives du vitellin des œufs, les petites larves commencent à s’alimenter sur ce que le milieu peut leurs fournir. A l’écloserie, l’eau dans laquelle elles baignent a été filtrée pour prévenir beaucoup d’infections pouvant provenir de parasites, bactéries et virus vivant dans ce milieu très particulier.
D’où l’importance de suppléer du phytoplancton de qualité. Il faut également savoir que toutes ces larves, même celles qui deviendront plus tard carnivores (comme c’est le cas de nos crevettes impériales), ont besoin de phytoplancton qui leurs seront utiles pour former leur pigmentation (l’astaxanthine ou le β-carotène1) et pour se fournir en vitamines et minéraux. Sans cet apport vital, nous avons observé en laboratoire beaucoup d’anomalies de croissance, voir même de la mortalité. Ainsi, des tentatives ont été réalisées dans l’industrie pharmaceutique pour fabriquer des micro-capsules à des fins purement aquacoles (croissance de larves). Non seulement il s’agit d’une prouesse technique (enfermer toutes les particules nutritives d’une espèce dans un espace extrêmement réduit), mais de plus il fallait que cela passe par la bouche de ces toutes petites larves. Nous parlons ici de micro-capsules de quelques dizaines de microns (µ = 10-6 mètre, c’est-à-dire 0,000 001 M), voir quelques microns seulement ...car tout doit être dimensionné à la bouche des larves et alevins ! Toutefois, nous avions clairement observé à l’époque que les « bébés » alimentés exclusivement au moyen d’un tel artifice industriel n’étaient jamais aussi vigoureuse (survivance moindre) que celles recevant du phytoplancton uniquement ou en complément de ces micro-capsules industrielles.
Donc, il est très important de monter à côté de votre écloserie une unité produisant du phytoplancton sélectionné. Cet espace doit être proprement isolé du reste afin qu’aucune contamination n’ait lieu. En effet, il n’est pas rare de constater l’effondrement d’une culture en masse (3ième photo ci-après) après être passé par les phases souche en erlenmeyer (1ère photo) et ballon d’expansion (2nde photo).
Culture de phytoplancton
Souches se développant en Erlenmeyers (ici, Chaetoceros gracilis,
Isochrysis galbana, Phaeodactylum tricornutum et Dunaliella salina)
Ballon d’expansion (5 litres)
Culture en masse (colonnes)
Certains phytoplanctons sont bien sûr trouvés en eau marine, mais beaucoup d'espèces marines viennent frayer/se reproduire dans l'eau saumâtre des estuaires. Or l’eau de pluie et l’eau douce terrestre (l'apport des rivières) sont à la base d’une production très importante de phytoplancton nécessaire au bon développement des petites larves aquatiques.
Le propos dans cet article n’est pas de vous décrire comment monter une unité spécifique pour suppléer une écloserie (bien des écrits/documentation en parlent extensivement), mais plutôt de vous mentionner quelques cellules de phytoplancton important en usage courant dans les écloseries.
Toutefois, il ne suffit pas de produire un seul type de phytoplancton pour réussir. Il faut toujours en cultiver plusieurs à la fois, car chaque phytoplancton offre un spectre de particularités/avantages pouvant être complémentaires dans l’alimentation des bébés aquatiques. Certaines de ces cellules sont même endémiques à une région particulière.
Parfois, elles peuvent varier grandement dans leurs dimensions cellulaires. Ainsi, certaines cellules conviennent mieux à des stades larvaires plus précoces pour la petitesse de leur grandeur, d’autres sont utilisées plus tard lorsque la dimension de leur bouche le permet.
Enfin, elles se différencient par leurs valeurs nutritives qui peuvent être trouvées aisément dans une abondante littérature scientifique. Donc, à ce niveau, on peut aussi ajuster les manques face aux besoins nutritionnels spécifiques aux espèces aquatiques.
Dans ces microalgues, on trouve généralement un haut contenu en protéines (40%-70%), une valeur moyenne en carbohydrates (12%-30%), une bonne concentration en lipides (4%-20%), des caroténoïdes (8%-14%) et des vitamines et minéraux. Cependant, la composition de tous ces éléments peuvent grandement varier en fonction de quelques paramètres. Cela inclut la phase de croissance de l’espèce, mais aussi des conditions de culture (comme la température, le type de radiation/lumière, ainsi que les nutriments du milieu de croissance).
Voici quelques cellules de phytoplancton ayant leurs propriétés distinctes :
Chaetoceros*
Phylum (embranchement) : Chrysophyta
Sub-phylum (sous-embranch.) : Bacillariophyceae (Diatomaceae)
Ordre : Centrales
Famille : Chaetoceraceae
La plupart des espèces sont trouvées dans les océans, mais certaines le sont dans les estuaires (eaux saumâtres).
Chaetoceros elmorei Boyer (longueur : 10-12 µm)
Chlorella*
Phylum : Chlorophyta
Sub-phylum : Chlorophyceae
Ordre : Chlorococcales (Chlorosphaerales, Chlorosphaeraceae)
Famille : Oocystaceae
Leurs cellules sont généralement petites et vertes. On la trouve grégaire souvent en présence de protozoaires, éponges, hydres et autre microfaune. Elle se prête facilement pour l’étude (essais en recherche) sur la photosynthèse, la production de protéines et entre même dans la composition d’un antibiotique (la chlorelline). Sa reproduction se fait par autospores c’est-à-dire qu’elles reproduisent les cellules adultes.
Culture de Chlorella Sp. (2-10 µm)
Chlorella au grossissement microscopique
* Espèces les plus utilisées en écloseries.
____________________________________
1 Pigment de plante, orangé (allant du jaune au rouge) qui est du type hydrocarbone C40H56 (beta-carotène). Ce sont des antioxydants qui sont capables de neutraliser des radicaux libres ayant ainsi un rôle de défense au sein de la membranes ou de la cellule.