Brève histoire de l’ostréiculture, en particulier à Marennes (a)

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Partie I

Carte archéologique de la Santonie, pays des Santons, sous l’occupation des romains.

Depuis la préhistoire, les chinois sont les premiers à pratiquer le captage des huîtres. Ils enfoncent des pieux de bambou dans le sol qui est recouvert périodiquement par les marées. Ces pieux comportent des entailles dans lesquelles ils fixent des coquilles pour capter/collecter et fixer le naissain1.

L'huître plate Ostrea edulis, notre "Belon" d'aujourd'hui, était déjà connue et fort appréciée dans l'Antiquité.

Les grecs appréciaient particulièrement les huîtres qu’ils ramassaient sur des bancs naturels. Ils prêtaient à sa coquille une valeur aphrodisiaque (réf. autre article publié également ce mois-ci) et utilisaient aussi la valve plate des coquilles comme bulletin de vote.

Les romains en étaient tout autant friands. Pline l’Ancien décrit que ce commerce luxuriant donna l’idée au richissime Sergius Orata (140-91 av. J.C.) d’organiser les premiers parcs à huîtres dans le lac Lucrin près de Naples et Herculanum dans le sud de l’Italie. Sur un vase funéraire trouvé dans la région, on a découvert l’inscription « Ostrea ». Par la suite, on découvrit des jarres sur lesquelles on pouvait observer une représentation de ce qui constituait un parc à huîtres avec une structure en bois à laquelle suspendaient des mollusques au moyen de cordage.

Illustration sur des jarres romaines

Lors de la conquête des Gaules, les Romains fondent Mediolanum Santonum (Saintes) située à une des extrémités de la Via Agrippa2, à seulement 40 Km de Marennes3 en Charente Maritime. Ils la font capitale de la Gaule aquitaine. Ils appellent la région de Marennes la « Terra Maritimensis » en référence aux marais salants et aux îles à proximité. Il faut dire qu’à l’époque, Marennes ressemblait à une péninsule, une étroite langue de terre calcaire entourée de la mer (voyez la carte archéologique en tête du présent article) qui représentait le pays de Santonie4 du temps de l’occupation des romains.

Ceux-ci mirent en valeur les terres environnantes en cultivant vignes et céréales. En raison de sa position de relais commercial sur la voie romaine, le village est modernisé pour permettre l’exportation de ces denrées.

C’est durant cette occupation romaine que des bancs d’huîtres plates se trouvaient en abondance sur le littoral de la Santonie et faisaient l'objet d'une cueillette sauvage mais régulière.

L’huître plate Ostrea édulis

Toutefois, passés pour maîtres dans l'art d'engraisser les huîtres, les romains introduisirent leur méthode d'élevage sur les rivages de l'estuaire de la Seudre et dans l'île d'Ularius (Oléron). Quelques parcs à huîtres gallo-romains furent donc mis en activité, mais cela restait plutôt une activité de consommation locale. Des restes importants de coquilles ont par la suite été découverts dans différentes villas de la presqu’île de Marennes. Peu après, les romains commencèrent à faire venir à Rome des huîtres plates depuis plusieurs "terroirs" de Gaules, notamment de la Mer des Santons ...qui deviendra beaucoup plus tard le bassin de Marennes.

De fait, des lieux de stockage en Charentes et dans le Massif Central ont été découverts remplis d'huîtres fermées en attente de consommation ou transfert. Certaines formes de conditionnement étaient pratiquées telles la saumure ou la préparation au « garum » (un jus de poisson salé et épicé). Lors de fouilles sur le littoral méditerranéen, on a aussi retrouvé des amphores pleines d’huîtres qui avaient connu de longues périodes hors de l’eau, comme des mises à découvert prolongées entre marées. La technique d’habituer le mollusque à vivre hors de l’eau s’appelait le « trompage ». Cela se pratiquait sur des huîtres à chair grasse et blanche (appelées de nos jours pousses en claires), au jus doux et délicat où une légère saveur de sel se mêle à celle de l’eau marine.

Ainsi, l’archéologie vient confirmer l’importance des saveurs autour de l’huître plate que l’on trouvait alors dans les marais de la Seudre, fleuve situé à 4 Km de Marennes.

Les romains développent également des salines en y introduisant leur technique fort avancée pour l'époque, laquelle sera maintenue sans changement durant les siècles suivants. Pour permettre l'expédition du sel marin, en bordure de l'estuaire de la Seudre, les Romains fondent un petit port, situé sur le Chenal du Lindon en périphérie du village de Marennes, près duquel des restes d'occupation romaine ont été retrouvés. Ce petit port, qui reste malgré tout fort modeste pendant toute la période gallo-romaine, est sans conteste à l'origine de la fondation primitive de Marennes. D'ailleurs, ces premières exploitations de sel introduites par les colons romains vont revêtir une importance puisqu'elles vont être à l'origine de l’ancien nom de Marennes qui s'appelait au début du Moyen Âge Sales c'est-à-dire Les Salines.

Au début du Moyen Âge, le site portuaire antique du Lindron est abandonné.

Vers le milieu de cette période, l'extraction du sel marin prendra un réel essor et les salines représenteront déjà la grande richesse locale.

La consommation d’huîtres constituent le plat des pauvres. Parfois, les huîtres sont retirées de leurs coquilles, empilées dans des paniers de pailles, acheminées à la capitale pour être ensuite cuisinées en ragoût.

La petite cité médiévale de Marennes est maintenant peuplée d'ecclésiastiques, d'artisans et de commerçants, et d'une majorité de pêcheurs et de sauniers.

L’agglomération grandit autour de l'église romane qui est fortifiée et prend le nom de Saint-Pierre-de-Sales ou Saint-Pierre-des-Salines.

Au XIe siècle, la paroisse de Saint-Pierre-de-Sales était particulièrement isolée, car pour y accéder on devait traverser des forêts. Elle est aussi excentrée, car reliée par une seule route avec le continent.

Jusqu’au début du XIe siècle, la propriété des salines est très morcelée. Une foule d’alleutiers, c’est-à-dire de paysans libres, détiennent des aires ou carreaux de trois ares correspondant aux unités d’exploitation des marais salants. A Bourcefranc-le-Chapus (à 5 Km de Marennes), le site de la pointe de Daire tire son nom de son ancien site de production du sel et le Chapus naît avec le développement du commerce maritime du sel.

Au XIIe siècles, l'Abbaye-aux-Dames de Saintes reçoit par Charte de Donation (en 1047) la paroisse de St-Pierre-de-Sales. Cette puissante et influente abbaye gérait de nombreuses possessions le long du tracé de l'ancienne voie romaine. Elle s’intéresse maintenant à la mise en valeur des terres abandonnées autour de Marennes. Ses religieux organisent de grands défrichements. L’intensification du blé et bétail fait son apparition dans la campagne environnante.

Marennes devient un centre important de production et d’expédition de sel sur la côte charentaise. Les nouvelles salines sont principalement développées autour de l’estuaire de la Seudre et sur les pourtours de l’ancien golfe de Brouage (dont les alentours sont aujourd’hui constitués de pâturages à vaches, car depuis lors la mer s’est progressivement retirée de ces anciens marais).

Vers la fin du XIIe siècle, la localité est orthographiée Marennia.

Au premier tiers du XIIIe siècle, les seigneurs de Marennes entrent en scène. Les sires de Pons deviennent à leur tour de grands propriétaires de salines et constituent un vaste patrimoine saunier sur le littoral charentais. Ils vont d'ailleurs dominer l’économie locale pendant plusieurs siècles et y insuffler un réel dynamisme.

À partir de 1242, ces puissants seigneurs ont aussi le sens des affaires et du commerce et vont faire de Marennes le grenier à sel de la Saintonge. C'est pendant ce siècle qu'ils établissent un port du sel à l’extrémité du chenal qui débouche sur le fleuve Seudre. Ce canal prendra le nom de Chenal de La Cayenne, en raison d’une petite cabane initialement construite en pierres sèches, autour de laquelle se sont agglomérées d’autres « cayennes » édifiées par des pêcheurs et des sauniers. Ce site portuaire appelé primitivement La Cayenne, deviendra par la suite jusqu’au début du XXe siècle La Cayenne-de-Seudre.

Dans la deuxième moitié du XIIIe siècle, Marennes sera au cœur des enjeux des rois de France et d’Angleterre. Située en territoire anglais depuis décembre 11545, la cité maintient le commerce du sel avec la Grande-Bretagne et la Flandre.

Au XIVe siècle, à la veille de la guerre de Cent Ans6, Marennes est un bourg actif et en plein essor, mais cette prospérité sera bien vite stoppée quand surgira ce siècle de guerre et dévastation.

Carte de la France en 1365.

Les terres de Marennes ne reviendront à la Couronne royale qu’en septembre 1372 après que le roi de France, Charles V, aura reconquis l’Aunis7 et la Saintonge8.

C'est également à ce moment-là que Marennes est donnée par Lettres du Roi Charles V aux sires de Pons, en compensation des pertes que ceux-ci avaient endurées durant les guerres contre les anglais, et en récompense des services qu’ils avaient rendus à la Couronne de France.

A la fin de cette guerre de Cent Ans, les sires de Pons protégèrent ensuite les terres de Marennes qui connurent la paix.

A la Renaissance (principalement le XVe siècle), de nombreux marchands développent le commerce de l’huître à Paris. C’est l’époque où apparaissent les repas composés exclusivement d’huîtres, soit 150 par personne. Les "huistres de Marennes" se retrouvent dans la France entière, proposées aux chalands par des écaillers (souvent des écaillères) ambulants.

En France, les huîtres sont connues car nos ancêtres, les rois, les princes et la noblesse nous ont légué une preuve de monceaux de coquilles d’huître dans les sites qu’ils fréquentaient.

C’est aussi au XVe siècle que le clocher-porche, de style gothique, de l'église de St-Pierre-de-Sales est construit.

Au XVIe siècle, l’essor urbain, issu de la renaissance du commerce maritime, permet à Marennes d’entrer dans une nouvelle période de prospérité. Le surnom de capitale des « Isles de la Saintonge », affirme sa primauté dans la région aux côtés de villes portuaires comme La Rochelle et Bordeaux.

Le sel faisait l'objet d'un monopole royal. Il était entreposé dans des greniers à sel, où la population l'achetait taxé et au détail. La gabelle9 représentait environ 6 % des revenus royaux.

En fait, le sel fut longtemps le seul moyen de conserver les aliments et était donc une denrée de première nécessité. Avec le sel, on fabriquait des salaisons et l'on séchait poissons et viandes. Il était également un élément nutritif indispensable pour le bétail. Enfin, il fut sous l’Ancien Régime10 la monnaie d'échange et possédait même une fonction de salaire, dont on retrouve le sens étymologique dans salarium en latin qui signifiait « ration de sel » puis, par extension, la pratique du traitement, du salaire à l’époque romaine.

En 1542, Marennes participe à la révolte de la gabelle.

En 1553, l'Aunis, la Saintonge et l’Angoumois11 deviennent des "pays rédimés"" c'est-à-dire exemptés de la gabelle. Ce mouvement a largement profité aux sauniers de Marennes et à son économie locale.

De 1562 à 1598, les Guerres de Religions (protestants versus catholiques) marquent plus encore l’histoire de la cité. Ces derniers s’en emparent définitivement en 1578, devenant cité du pouvoir royal et des administrations. L’église de Marennes est transformée en citadelle par les catholiques. A la fin du conflit, elle est endommagée suite aux différents assauts. Sa destruction complète est ordonnée. Seul le clocher, haut de 85 mètres, sera préservé et témoigne aujourd’hui de l’importance de l’édifice initial.

Le clocher gothique flamboyant de l'église de Marennes édif au XVe siècle.

De par ses 85 m de hauteur, il est visible à plus de 20 Km de la ville.

En 1600, un Temple réformé est construit.

Une nouvelle activité apparaît : la pêche à la morue.

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1 Semences d’huître.

2 Antique voie romaine construite par Agrippa au Ier siècle av. J.C. reliant Lugdunum (Lyon) à l’Atlantique, aussi appelée la voie d'Aquitaine.

3 Ne confondez pas avec les 2 autres villes : Marennes (69970) dans le Rhône en France ; Marenne (6990) sur la commune du Luxembourg en Belgique.

4 Le pays des Santons (en latin : Santones) est celui des gaulois occupant, durant l'Antiquité, un territoire couvrant la future province de Saintonge, soit actuellement le département français de la Charente Maritime avec l'Ouest du département de la Charente et le Nord de la Gironde. On pense que son origine date du IIe siècle avant J.C. Ils faisaient le commerce du sel qu'ils extrayaient des sites côtiers, emplacement qui se trouvent maintenant loin dans les terres (puisque depuis lors, la mer s’est considérablement retirée).

5 Grâce au mariage en 1152 d’Aliénor d’Aquitaine (épouse divorsée de Louis VII) avec le fils de Geoffroy Plantagenêt, comte d’Anjou qui devint roi d’Angleterre, sous le nom d’Henri II.

6 De 1337 à 1453, opposant la dynastie des Plantagenêt à celle des Valois et, à travers elles, le royaume d'Angleterre à celui de France.

7 Ancienne province française formée d'îles et de la presqu'île (Atlantique), ayant eu pour chef lieu la ville de Castrum Allionis (Châtelaillon) puis de La Rochelle à partir du XIII e siècle.

8 Ancienne province française dont la capitale était Saintes du temps des romains.

9 La gabelle était un impôt royal sur le sel ayant existé en France au Moyen Âge. C'était alors l'une des aides ou taxes indirectes.

10 Correspond au règne de la maison des Bourbon, depuis l'accession au trône d’Henri IV en 1589 jusqu’à la Révolution Française en 1789. Pour d’autres, l’Ancien Régime commencerait déjà depuis le règne de François Ier (1515-1547).

11 Ancienne province française dont la capitale était Angoulême.

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