Décryptage d'un monde mystérieux - 12. L'installation française (b)

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Section II: La commercialisation

 

     Notre dernière opération, et non des moindre, fût de découvrir la forme de vendre nos huîtres et gambas.

     Nos huîtres était affinées à l’ancienne, impliquant un affinage de très longue durée. Dès le départ, nous avons voulu produire des huîtres gastronomiques, c'est-à-dire marquées par l’abondance de leur chair dont la saveur de terroir était indéniablement inscrite.

     Quant au gambas, il s’agit de grandes crevettes subtropicales qui s’alimentent exclusivement de ce que les étangs peuvent naturellement leurs donner. Cet effort pour attraper leur nourriture vivante développe leur musculature et leurs donne à la dégustation une chair bien ferme. Il n'y a que lorsqu'elles muent (changement de carapace = exosquelette ...pour devenir plus grandes) que leur corps est mou pendant 2-3 heures (voir un peu plus).

     Par conséquent, il était impératif de trouver une clientèle pouvant repérer ces caractéristiques organoleptiques.

     En première approche, nous nous sommes tournés logiquement vers les ventes en direct à la ferme. Mais la ferme est enclavée, ce qui signifie que nous sommes situés en dehors des circuits généralement parcourus par le tourisme ...encore que certains préfèrent s'aventurer là où le monde ne va pas trop souvent !

     Après deux années, nous avons aussi initié des ventes à l'exportation. Nous avons approché quelques grossistes suisses, belges et espagnols, notamment en "Cataluňa" (Barcelone), du côté de Madrid et au pays "vasco". Toutefois, envoyer des gambas "vivantes" à l'étranger s'est souvent avéré une voie très pénible, voir risquée. La plupart des obstacles étaient liés au transport des animaux qui doivent être maintenus vivants. Mais nous ne dominions pas le secteur des transports ...si particulier. A titre indicatif, nous avons expérimenté les problèmes suivants:

  • Difficultés d'honorer de nombreuses commandes trop tardives (car nous ne pêchons pas par anticipation ...pour certaines déteriorations);
  • Températures du transport beaucoup trop basses par rapport à celles recommandées (mortalité d'animaux);

  • Variations drastiques de température lors du transfert entre camions (accords entre compagnies qui prenaient le relais);

  • Déviations excessives des trajets ...convenant mieux économiquement aux sociétés de transports, mais qui allongeaient considérablement le temps de transport;

  • Commandes perdues ou volatilisées (vols de gambas) ...occasionnant la perte de clients étrangers.

     Après deux années nous arrêtions l'expérience.

     Nous nous sommes alors tournés vers Rungis. Les livraisons pour alimenter cette importante plateforme de redistribution nationale devaient se faire au plus tard pour 2h du matin (nous devions effectuer les trajets de nuit). Le droit d'accès au site près d'Orly n'était pas donné et vendre au rabais ne valorisait certainement pas des produits vivants et de qualité. Nous desservions plusieurs sociétés au grand nom dans le pavillon de La Marée, mais les commandes restaient fort modestes.

     Après deux nouvelles années, nous avons arrêté avec eux, car cela ne nous rapportait pas grand chose au vu de notre déplacement lointain.

     On nous a alors sollicité de fournir à une imposante grande surface (hyper-marché) dans une importante ville. Tout commença fort bien: les clients appréciaient les gambas et renouvelaient leurs achats. Puis, il y eût des discontinuités inhabituelles. En fait, nous apprîmes que les quantités d'huîtres commandées régulièrement ...n'atteignaient pas ce que la clientèle pouvait réellement absorber. Par conséquent, les invendues étaient étaient remises sur l'étal la semaine d'après et ainsi de suite ! Vous pensez ...le gastronome ne se laisse pas tromper par ce manque de fraîcheur ! De plus, cela nous pénalisait durement... Par conséquent, nous avons arrêté de livrer pour mauvaises pratiques de la part des responsables.

     Vint ensuite le tour des poissonneries et de la restauration (restaurants et hôtels). Nous sommes allés voir quelques hôtels de luxe à Paris (comme le Charles V, le Crillon et le Ritz sur la place Vendôme), des traiteurs renommés, ainsi que des épiceries fines ...où les parfums et arômes éveillaient tous les sens.

     Il y eu des invitations parisiennes en des lieux reconnus pour la gastronomie. Nous avons participé à plusieurs salons et présentations annuelles de millésimes. Nous avons également essayé d'approcher de grands chefs du côté de Lyon.

     Nous pourrions vous raconter pas mal d'histoires comiques, mais ...souvent décevantes, concernant bon nombre d'entre eux ! Il faut parfois se faire accepter par des réseaux ...manquant de transparence !

     Alors, nous avons travaillé avec plusieurs poissonneries et restaurants plus abordables en prix. Il y a toujours des gens dans le commerce qui sont et resteront corrects. Malheureusement, il y en a aussi beaucoup qui ne sont pas toujours bons payeurs ! Les gambas étaient livrées vivantes, mangées dans les 48h, mais à plusieurs reprises le paiement ne se faisait pas avant plusieurs semaines, voir des mois ...une fois ...pas du tout !!! Tous les commerçants ont déjà connu des impayés, mais les frais des tribunaux ne couvrent souvent pas les pertes occasionnées (pas seulement en argent, mais aussi en temps, déplacements et tracas). Des avocats défendent parfois ces commerçants/entrepreneurs malhonnêtes, les déclarent en redressement judiciaire, pour ensuite déposer leur bilan. On perd bien-sûr la marchandise qu'ils nous doivent. Et pourtant, l'acheteur indélicat a le droit de créer rapidement une autre société ...afin de recommencer le même petit jeu ! La loi est parfois fort mal faites pour arrêter les agissements de ces mauvais payeurs !!! Et malgré tout, à vous de rester "zen"...

     Or pour assurer ses arrières, il faut pouvoir compter sur des clients "réglo". Apprendre à sélectionner sa clientèle est important (on acquiert ainsi un feeling/6ième sens) pour ne pas devoir faire face à des problèmes de trésorerie !

     C'est ainsi que nous avons cessé de fournir à beaucoup.

     Après toutes ces tentatives infructueuses ...que faire maintenant ?

     Il faut tout d'abord réagir et observer les collègues dans la profession, ceux qui en sortent plus facilement (je devrais dire plus sûrement) que d'autres vendant un produit plus ou moins similaire.

     C'est ainsi que nous avons été voir des placeurs (fonctionnaires qui attribuent les emplacements) et avons participé à plusieurs marchés ambulants hebdomadaires qui ne faisaient que du bio & naturel à Paris, île de France (comme à Neuilly-sur-Seine ou Boulogne-Billancourt). Nous vendions de grandes crevettes vivantes ...ce qui dérangeait les exposants de fruits de mer qui en vendaient congelées (ou ...décongelées). Nous étions des concurrents à leurs yeux. L'intégration fût difficile.

     La clientèle commençait à faire la file. Toutefois, d'autres difficultés pratiques surgirent: le parking était toujours compliqué pour notre moyen de transport; le placeur déplaçait constamment notre lieu de ventes ...ce qui désorientait quelque peu les acheteurs; l'absence de réponse de nombreuses mairies aux demandes écrites qu'on leurs adressait; et j'en passe...

     Pour nous, c'était loin d'être aisés et nous nous sommes dit que cette façon de travailler n'était pas idéale. Nous nous sommes donc éloignés de tous ces petits marchés trop populaires ou des réseaux/obstacles s'étaient installés.

     Et maintenant, où allions-nous vendre ???

     Des échecs, vous en trouverez toujours sur votre route, lors d'une prospection ou d'un développement professionnel. Le tout est de savoir rebondir sur ses expériences ...apprendre de ses erreurs ...ne plus les commettre ! En tout cas, il ne faut jamais être à court d'idées en pareilles circonstances.

     Nous avons donc pensé à consulter l'outil internet ...et avons voulu découvrir les régions ayant le plus fort pouvoir d'achat et où nous pouvions trouver des gastronomes.

     C'est ainsi que nous avons repéré le "Journal économique du net" qui indiquait les villes concernant ces deux critères importants. En fait, ils émettent annuellement des statistiques et classent les villes selon l'importance de la moyenne des revenus de leur population active. De cette manière, nous avons constaté que beaucoup de gens aisés étaient domiciliés dans la région à l'ouest de Paris. Cela incluyait les Hauts-de-Seine (92) et Yvelines (78).

     Par conséquent, nous avons commencé à tester plusieurs villes dans le haut de ces statistiques officielles qui fluctuent légèrement d'une année à l'autre. De cette façon, nous avons rencontré beaucoup de cadres de très importantes entreprises nationales qui habitaient cette intéressante région qui longe la superbe forêt de Marly et qui se prolonge par l'historique plaine de Versailles. C'est pour une série d'avantages qu'ils établissent leur domicile dans ces deux départements: proximité avec leur lieu de travail; cadre naturel non loin de Paris, énormes centres commerciaux, nombreux terrains de golf, etc.

     Après beaucoup de tentatives pénibles et essais infructueux, nous avions finalement réussi à nous stabiliser sur quatre sites dont trois sont publics et un privé.

     Un détail que nous avons également appris en tentant énormément d'alternatives (lieux, salons, fêtes de fin d'année et autres évènements organisé par des associations, telles que Rotary et Lions Clubs) est le fait qu'on gagne toujours à vouloir s'informer sur les antécédents (l'historique) des villes visitées pour en comprendre parfois les mentalités régionales. Nous avons donc toujours cherché à entretenir de bonnes relations avec les gens qui nous accueillaient et entouraient, car cela réserve parfois de belles surprises et parfois des élans de compréhension, solidarité, voir de belles amitiés.

     La clientèle gastronome que nous abordons pose évidemment beaucoup de questions pour en savoir plus sur nos gambas subtropicales et huîtres de Marennes affinées à l'ancienne. Ils savent que ces produits sont le fruit exclusif de la nature (pas d'engrais, pas d'aliments industriels, pas d'additifs chimiques ou pharmaceutiques).

     Nous essayons de répondre avec notre formation, notre compréhension et nos expériences (l'une ne va pas sans l'autre). Les gens se rendent compte donc que nous ne sommes pas que éleveur et commerçant, car nous expliquons certaines de nos activités lorsque le temps nous le permet (par exemple, lorsque les ventes sont plus calmes, entre deux clients). Mais parfois, la conversation va dans le sens contraire ...et c'est nous qui en apprenons ! L'un travaille dans l'aviation avec ses techniques de pointe; l'autre est dans la restauration ...avec ses joies, peines et désillusions; un client de longue date possède sa propre entreprise dans la décoration de grands magasins; un autre encore travaille dans la pédagogie d'enfants handicapés; il y a aussi un médecin spécialisé en endocrinologie et désordres nutritionnels; cet autre qui travaille pour la logistique militaire; etc. ...et la discussion s'engage. Bref, c'est souvent fort instructif ...parce que la plupart du temps, ce sont des gens qui connaissent bien leur domaine, car eux-mêmes sont intéressés par ce qu'ils font !

     Des clients achètent nos produits depuis 10-15 ans, nous font confiance, suivent nos conseils, discutent l'impact de certaines perturbations climatiques sur la croissance de nos animaux marins. Tout cela fait partie d'un tissu humain, d'échanges sociaux, ...car c'est aussi cela le commerce, ne l'oublions pas !

     Ces différentes facettes de notre métier nous occupent tout entier, s'apprennent sur le terrain et sont fondamentales pour se maintenir face au commerce de masse.

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