Décryptage d'un monde mystérieux : retour en Europe (11)

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Classé dans : Projet Mots clés : propection belgique portugal

(11ième partie)

     Revenir en Europe après autant d'années passées à l'étranger n'était certes pas évident, mais nous voulions trouver un endroit plus stable pour notre famille. En 2003, nous avons souhaité prospecter trois pays pour peut-être découvrir une opportunité dans nos cordes. Le Portugal, la France et le Brésil possédaient des entités privées et publiques concernant les pêches et l'aquaculture qui pouvaient bien donner quelques assises ...pour ce que nous connaissions.

     L'expérience nous avait aussi montré qu'un "bon artisan" est quelqu'un qui a eu généralement un "bon maître". C'était aussi le moment de donner un peu de savoir-faire que nous jugions utile à des plus jeunes ...si nous en avions l'occasion. Nos formations spécifiques et expériences vécues pouvaient ouvrir des alternatives nouvelles dans la recherche d'un travail en sciences ichtyologiques1. Donc dans le domaine des poissons, crustacés, mollusques et algues, nous pouvions sensibiliser des étudiants en biologie, agronomie, science vétérinaire ou filières relationnées, comme la protection de l'environnement aquatique. C'est la raison pour laquelle, dans les contacts qui suivirent, nous avons également offert nos services dans une quinzaine d'institutions de l'enseignement supérieur.

     La prospection débuta cependant brièvement en Belgique ...pays du steak/moules-frites-salade. En effet, nous avions entendu parler de biotechnologie, centrales nucléaires et géothermie et il était évident que des eaux plus chaudes nous interpellaient grandement ! Nous voulions d'abord découvrir les sites potentiellement intéressants et visiter quelques réalisations déjà opératives. En marge, nous planchions également sur un projet plus personnel qui devrait ensuite être adapté aux situations rencontrées, que l'on pourrait éventuellement proposer et surtout qui pourrait être pris en charge par nous-mêmes.

     Nous avons eu effectivement l'occasion de croiser et discuter avec des responsables et chargés de cours/recherches dans de grandes facultés agronomiques, biologiques ou vétérinaires (Bruxelles, Gand, Ath, Louvain, Gembloux, Namur et Liège).

     Toutefois, il fût vite observé que les enseignants déjà en poste dans de pareilles matières ne laissaient trop souvent aucune chance aux "outsiders" ! La plupart de ces académiciens n'avaient pourtant pas été éduqués spécifiquement dans notre domaine de spécialisation ! Il était donc dommage que de jeunes étudiants ne puissent avoir accès à une formation plus pointues en s'imprégnant d'expériences positives réalisées en d'autres lieux, surtout dans d'autres pays plus développés dans ces domaines particuliers. En effet, nous proposions non seulement le basique de ce qu'un enseignant doit pouvoir offrir (pédagogie incluse, car la formation de stagiaires faisait partie de notre expérience), mais nous étions aussi prêts à partager de nombreux documents collectés dans d'autres langues, avec des photos instructives, techniques sur de possibles associations et intégration avec d'autres activités, ainsi que de nombreuses mesures prophylactiques très spécifiques selon qu'il s'agissait de virus, bactéries, parasites ou pertubations environnementales. Tout cela pouvait déboucher sur des initiatives qui ne demandraient qu'à être développées par des esprits plus libres, ouverts et motivés !

     Nous sommes aussi allés visiter des raceways2 piscicoles où il y avait un élevage de poissons tropicaux (tilapias) dans l'eau de refroidissement du troisième circuit3 d'une centrale nucléaire (Tihange, Huy). A notre humble avis, la promotion commerciale de ces produits aurait pu avoir un impact certain si elle avait été beaucoup mieux soignée. Cette exploitation venait d'être reconvertie en une production d'algues ...plus rentable pour l'industrie cosmétique !

     Il y eu également des contacts avec des élus politiques souhaitant mettre en valeur la géothermie de leur région (Mons, Quévrain). Nous avions même reçu la thèse d'un étudiant de 3ième cycle sur la récupération d'énergie géothermique qui avait été appliquée pour chauffer un hôpital régional.

Nous avons enfin élaboré deux "modules" aquacoles (unités répétitives) dans les dernières démarches.

     Mais visiblement le secteur pour lequel nous avions toujours vibré ne faisait pas partie de leurs préoccupations réelles ou n'était jamais une priorité. Il s'agissait ...juste d'un argument de plus pour une propagande électorale ou encore ...pour en prendre les idées pour que d'autres puissent en bénéficier en les appliquant !

     En constatant le manque d'intérêt et le peu de conviction des décideurs et pouvoirs économiques, nous avons repris notre bâton de pèlerin pour voir ce qui se faisait plus au sud de l'Europe. Peut-être que là, ils seraient plus ouverts à ce monde aquatique fort mal connu de beaucoup. Toutefois, nous nous tournerions probablement plus vers l'acquisition d'étangs pour monter notre propre business familial.

     Mais la route allait être encore bien longue !

     Nous nous sommes donc rendus au Portugal, pays aux traditions fortes tant d'un point de vue familial et architectural que culinaire (avec leurs fameuses "sardinhas grelhadas"4). Cette nation est aussi le berceau des "azulejos"5 aux paysages d'antan, animaux et scènes rurales de tous les jours.

     Nous avons d'abord visité le nord, notamment la"Ria de Aveiro". Cependant, les eaux de ce lagon côtier de 75 Km2 n'étaient pas toujours très propres, car exposées à une industrie chimique (production de peintures) peu scrupuleuse envers l'environnement ...et beaucoup de résidents s'en plaignaient ouvertement !

     Nous nous sommes alors rendus au sud de Lisboa6 (Setúbal), où des amis administraient une grande pisciculture de dorades. Malheureusement là aussi, il y avait de sérieux problèmes de pollution industrielle. A certaines heures de la journée, le vent rabattait des fumées rousses nauséabondes provenant de très hautes cheminées ...en direction des étangs qui forcément devaient absorber par simple osmose des résidus. Lors de notre bref séjour, nous apprîmes que l'économie dans cette zone particulière provenait essentiellement de la construction et réparation de bateaux, mais aussi de la fabrication ...d'engrais et pesticides !

     Nous décidâmes finalement de mettre le cap sur l'Algarve dans l'extrême sud du pays. Nous y restâmes près d'une année pour le climat nettement plus chaud et pour y mener une prospection beaucoup plus méticuleuse.

     Au préalable, nous avions fait paraître une petite annonce dans un des journaux les plus lus du pays. Plusieurs personnes nous avaient alors contactés pour les idées que nous proposions dans le cadre d' une éventuelle "joint-venture"7. Certains potentiels aquacoles étaient bien là et n'avaient pas besoin d'être démontrés. L'état avait même autorisé d'étendre au large de Sagres deux filières expérimentales (à l'essai) d'huîtres et de moules !

Notre recherche méthodique nous fit découvrir deux zones privilégiées: l'une s'appelait "Ria de Formosa" (Olhao), avec des bancs de sable qui alternaient avec de petites îles où de délicieux mollusques s'y reproduisaient (les "lingueirãos", sorte de petits couteaux de couleur plus claire) - c'était aussi le siège d'une coopérative influente de pêcheurs artisanaux; l'autre se situait plus à l'ouest (Alvor) sur cette très belle côte touristique et où on produisait déjà du bar.

     Malgré avoir acquis toute la documentation légale (grâce au français et à l'espagnol, vous pouvez vous débrouiller en portugais) pour former une société dans ce beau pays, il y eu plusieurs obstacles de taille:

En premier lieu, les eaux côtières dans le sud n'étaient pas aussi chaudes comme nous l'imaginions. Ceci est dû en grosse partie au courant marin du "N. Atlantic Drift" qui passe au large et descend tout le long de la côte ouest.

En second lieu, l'acquisition de terrains côtiers pour y développer un éventuel élevage commercial restait compliquée pour de nombreuses "indivisions" (désaccords) familiales.

La plupart des superficies proposées étaient également bien trop petites pour être rentables ...en tenant compte des choix de production que nous prétendions réaliser.

Nous nous sommes aussi rendu-compte (heureusement ...à temps) que l'entité qui semblait le mieux remplir nos desiderata ...cachait en fait un gouffre de prêts accumulés ...que nos seuls gains auraient dû rembourser ...sans (pour nous) en profiter réellement !

Enfin (et non des moindres), il aurait été vraiment très difficile d'accepter toutes les ingérences et lenteurs administratives (certains ont même avoué une attente de ...10-15 ans) ne fût-ce que dans l'obtention de licence(s) et autorisations diverses pour exercer pareille activité.

     Par conséquent, nous nous sommes tournés vers la France ...en nous disant que si cela ne nous convenait toujours pas, nous irions au Brésil où il y avait à cette époque un réel dynamisme, une volonté politique d'agir et un énormément intérêt dans la production de crevettes.

     Cette prospection française fera l'objet de la 12ième partie et dernière étape de notre incroyable aventure qui nous aura menés sur quatre continents !

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1  En relation avec les poissons et leur environnement.

2  Bassins rectangulaires en béton et parpaings, peu larges (3-4m), mais généralement longs (parfois plusieurs dizaines de mètres, dans certains cas 50-100m comme aux U.S.A.).

3  Il faut savoir qu'il ne s'agit pas d'une eau contaminée, comme on pourrait le croire. En effet (et pour faire simple), au cœur du réacteur, l'eau de la piscine qui contient les "bâtons" de matériel controversé (uranium enrichi) est refroidie par un premier circuit d'eau fermé déjà fortement protégé contre une éventuelle fuite de rayonnement. Ce premier circuit peut encore monter à des températures importantes. Ainsi, ce premier circuit est à son tour refroidi par un second circuit d'eau, fermé et également protégé. Enfin, les calories récupérées par ce second circuit permettent d'encore pouvoir chauffer un troisième circuit, extérieur et ouvert. Ce dernier est parfaitement apte à faire croître des plantes ou poissons, réaliser de l'hydroponie ou encore y mener d'autres applications intégrées ...dans une atmosphère plus "tropicale".

4  Sardines grillées; on les trouve un peu partout sur de petits barbecues de fortune à même la rue (en ville, vous vous imaginez ...les délicieuses odeurs qui s'y promènent).

5  Littéralement "carreaux vernissés"; ensemble de carreaux de faïence décorés, généralement blancs et bleus, mais peuvent aussi avoir d'autres couleurs.

6  Lisbonne.

7  Partenariat.

Quelle est le sixième caractère du mot y1hrw9fj ?

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