Décryptage d'un monde mystérieux : exubérante Afrique (10)

Rédigé par Aquideas Aucun commentaire
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(10ième partie)

     A la fin des années 90, l'un de nous a assisté une organisation internationale africaine. Celle-ci allouait des budgets aux pays qui en faisaient la demande. Il s'agissait d'aider des projets nationaux dans le secteur des pêches côtières ou continentales, et initier une aquaculture intégrée à la spécificité de leur contexte. Le challenge était de taille, mais cela semblait à nouveau fort intéressant.

De plus, c'était en quelque sorte un retour aux sources, car l'intéressé lui-même était né au cœur de l'Afrique et y avait passé toute son enfance !

     C'est ainsi qu'il dût se rendre, à plusieurs reprises, dans diverses régions de l'Afrique essentiellement anglophones et lusophones1. Les contacts se faisaient avec les responsables du ministère de l'agriculture, des pêches ou affaires maritimes selon le cas. Nous devions définir les déplacements internes, activités à réaliser (comme prospection et consultations auprès des populations concernées), besoins en budget et personnel pour pouvoir concrétiser les intentions devant aboutir à la planification d'importants projets directeurs sur 5 années.

     Par manque de temps, il arrivait de ne pas pouvoir se rendre sur place. Il fallait alors analyser les demandes, les approuver ou émettre des recommandations pouvant éventuellement les accepter moyennant modifications. Enfin, ces documents devaient être ratifiés par des responsables administratifs afin d'octroyer les fonds nécessaires. Ce processus prenaient toujours beaucoup de temps, car il engendrait énormément de lecture, révisions et vérifications qui devaient être consolidées par des statistiques pour en montrer la pertinence.

     A continuation, vous trouverez quelques-unes de ces destinées souvent éloignées des métropoles. Les déplacements nous faisaient découvrir différentes ethnies peuplant ce vaste continent et sommes allés ainsi à la rencontre des Peuls, Bantous, Akans, Dogons, Bejas, Chewas ou encore les Sénoufos, Makondes et Zoulous ...pour n'en citer que quelques-uns. Parfois, nous découvrions également leurs traditions, danses expressives et chants animés, et observions de grandes qualités dans leur façon de vivre ...avec toujours beaucoup de chaleur d'accueil. Dans quelques cas, il fallait amener des cadeaux, tel une chèvre à sacrifier et partager en repas avec le chef du village pour avoir accès à ses terres ou autoriser un éventuel projet sur le territoire.

Richesses humaines qui marquent ces terres ancestrales, berceau de notre civilisation !

     Il y eût la Guinée Bissau, qui dans le temps fit partie du Royaume de Gabu (empire Mandinka de la Sénégambie), puis de l'Empire du Mali, ensuite devint une colonie portugaise (à partir du XVIIIième siècle) pour acquérir finalement son indépendance en 1974. Etant l'un des pays les plus pauvres dans le monde, l'objectif était de consolider quelques infrastructures portuaires basiques pour développer les pêches dans leurs eaux côtières.

     En Sierra Leone, il fallût construire un minimum d'infrastructure pour aider quelques groupes de pêcheurs artisanaux qui opéraient dans des eaux peu profondes. Il y eût aussi l'acquisition de bateaux rapides de surveillance, avec leur moteur "hors-bord" et matériel radio, pour contrôler le pillage de bancs de poissons dans les eaux nationales par des flottes industrielles étrangères peu respectueuses des accords internationaux.

     Enclavée dans le Sénégal, la Gambie souhaitait donner un essor nouveau à sa flotte halieutique2 artisanale. Notre visite confirma les besoins réels dans ce secteur particulier. Il fût donc décidé de construire un nouveau quai et un marché à poissons à Banjul, sa capitale. De plus, trois autres sites d'accostage pour bateaux plus modestes furent réhabilités le long de la côte. Enfin, on donna l'opportunité au personnel en charge de suivre des formations appropriées en gestion et administration portuaires élémentaires.

     Au Bénin, on donna des conseils pour réaliser un projet piscicole, intégré aux cultures déjà existantes, qui devait faire partie d'un schéma directeur en agriculture visant le développement d'une importante région à l'ouest du pays.

     En Afrique de l'est, il voyagea à plusieurs reprises en Érythrée où le gouvernement voulait construire trois petits ports de pêches sur la Mer Rouge. Pour accéder aux villages fort isolés, il fallait suivre des pistes en jeep durant plusieurs jours, car il n'y avait ni vedette (bateau rapide), ni piste d'atterrissage. Sur la route, on croisait des autruches et babouins en liberté ...relativement agressifs ...et donc vous n'aviez pas intérêt à vous arrêter !

     A destination, les infrastructures étaient réduites au minimum : juste de quoi se reposer ...et encore ...à la spartiate. Il fallait aussi emporter toute notre alimentation depuis la capitale Asmara ou le seul port commercial de Massawa, car le commerce en ces lieux reculés n'était pas encore développé.

Dans ces régions, on ne parlait que le Tigrigna (ou Tigrinya; une langue sémitique3). Nous nous exprimions en anglais avec les membres du gouvernement qui se chargeaient de traduire aux autochtones.

     Pour se rendre plus rapidement au Burundi, en Afrique centrale, il dût d'abord quitter l'ouest africain (siège en Afrique noire) pour se rendre à Frankfurt, en Allemagne (...) avant de prendre un vol direct vers Bujumbura, la capitale ! Dans ce pays enclavé, il proposa de construire des stations piscicoles, ainsi qu'un projet d'élevage de tilapias en cages sur le très profond Lac Tanganyika.

Dans cette contrée agricole, l'arôme des grains de café était réellement envoûtants et frôlait l'excellence. Dommage qu'on ne puisse s'en procurer du frais ...pour le déguster en toute circonstance !

     Au Malawi, on proposa des infrastructures aquacoles et un développement d'activités de pêches sur l'important lac du même nom. De bonnes pratiques furent également suggérées pour améliorer la commercialisation du poisson, entre autres sur les techniques de fumage à froid (longue) et à chaud (courte), ainsi que sur la production de glace pour une plus longue conservation.

Lors de notre visite, la végétation florale et les "flamboyants" (de grands arbres tropicaux aux fleurs rouges, délicates et chatoyantes) s'étaient revêtus de leurs plus belles parures !

     En passant par l'Afrique du Sud, des visites eurent lieu au Mozambique pour améliorer un centre artisanal de traitement de poissons dans la province nord de Cabo Delgado (très éloignée de la capitale Maputo). Un groupe électrogène (pour produire de l'électricité) avait été installé et une chaîne de froid fût proposée pour améliorer la conservation d'importants produits provenant de la pêche artisanale locale.

Non loin du lieu de travail, nous sommes aussi allés voir la "Ilha de Moçambique", un ancien centre d'embarquement négrier (comme l'île de Gorée à Dakar, Sénégal), vestige d'une période peu glorieuse des colonies portugaises qui est maintenant classé au patrimoine mondiale de l'UNESCO4.

     Il se rendit également plusieurs fois en Angola (au-dessus de la Namibie) la bathymétrie5 de l'océan Atlantique plonge à des profondeurs vertigineuses à seulement quelques encablures du rivage. Tout le long de cette côte, il y avait effectivement de gros bancs de poissons, mais aussi ...beaucoup d'accidents. Les gens étaient si pauvres que pour pouvoir pêcher ils utilisaient de simples flotteurs récupérés aux marées ...qu'ils assemblaient entre eux avec du mauvais cordage ...et de temps à autres, l'un d'entre eux se noyait ! Donc, il était urgent pour ces pêcheurs artisanaux d'avoir un minimum d'infrastructure et de sécurité, comme l'acquisition d'équipement approprié pour pouvoir opérer. Des budgets furent attribués pour développer ces aspects essentiels afin d'aider une dizaine de fortes communautés sur quelques 1.200 Km de côtes.

C'est aussi là qu'il découvrit d'impressionnants "Baobabs", l'arbre de l' "African Bush"6 ou arbre de vie respecté et protégé par les anciens et ruraux pour ses nombreuses vertus !

     A l'achèvement d'un de ces projets, un "Boubou"7 traditionnel lui fût remis pour qu'il se souvienne des réalisations entreprises et des moments agréables passés ensemble. Cette spontanéité gratuite s'est exprimée maintes fois chez beaucoup sur ces terres particulièrement isolées !

     Dans quelques cas seulement, des projets ne purent aboutir pour la hausse constante des coûts de revient. En partie, cela était dû à la lenteur des décisions et priorités données par les politiques, car dans une économie moins stable plus on attend et plus les coûts montent. Ainsi pour approuver un prêt, certaines conditions devaient être remplies, notamment la libération d'un budget national qui représentait une infime portion du coût global du projet ...afin de responsabiliser l'état lui-même. Parfois, une bonne gestion administrative sur place n'était pas toujours assurée et les sommes octroyées n'aboutissaient que partiellement au projet concerné ...ce qui ne permettait plus de réaliser toutes les étapes ou propositions convenues dans les accords préalablement établis !

     Après quelques années de bons et loyaux services, un problème de sécurité vint perturber celui qui offrait ses services professionnels. Et comme plusieurs familles avaient déjà été affectées en pareilles circonstances (braquage à main armée à Abidjan, Côte d'Ivoire), il remit sa démission et revint en Europe.

     Toutefois, l'Afrique est un continent bien à part. Elle possède entre autres des richesses minérales incommensurables : or, diamants, platine, cuivre, coltan8, uranium, bauxite ...et la liste ne s'arrête pas là. Elle pourrait néanmoins beaucoup mieux profiter de cette manne, si elle assurait elle-même la transformation de toutes ces matières premières ...au lieu de la déléguer aux seuls pays industrialisés, en majorité NON-africains ! En effet, les recettes provenant de toutes ces ressources pourraient alors combler bien des lacunes pour résorber la misère qu'elle connaît ...comme combattre la pauvreté en offrant des millions d'emplois supplémentaires ...avec de bien meilleurs salaires (et la rendre ainsi beaucoup plus attractive par leur propres nationaux); ...comme également assurer plus de santé à ses concitoyens en leur donnant de meilleures infrastructures; ...comme encore s'engager dans le financement de beaucoup plus de recherche afin de solutionner quelques-uns de ses nombreux problèmes.

     En effet dans la plupart des pays visités, il y trouva des ressortissants africains très bien formés académiquement et ayant acquis à l'extérieur des expériences uniques aussi bien dans des sociétés privées que dans de grands groupes industriels connus mondialement pour leur savoir-faire. Tous ces professionnels (souvent autour de la quarantaine) devraient pouvoir trouver leur place pour propulser l'économie de leur propre pays ...si on leurs permettait d'agir ...et qu'on leurs offrait des postes attractifs ...en facilitant l'environnement dans lequel ils doivent évoluer ...tout en leurs imposant des résultats !

Avec pareille approche, on gagne souvent sur le long terme !!!

     Par contraste, il y a des valeurs qu'il faut lui reconnaître indubitablement. Depuis des pratiques ancestrales, ces peuples ont su garder le sens de l'hospitalité et de la solidarité, surtout à l'intérieur même de leurs familles ...qui est généralement "extensive"9. Ainsi, on observe une très importante attention envers les plus anciens et la prise en charge des plus faibles ...même dans la restriction, c'est-à-dire lorsqu'il n'y a pas grand chose à offrir.

     En ce qui concerne particulièrement les anciens PARTOUT en Afrique, on les remet généralement au centre de la famille en les chargeant de transmettre oralement les usages, valeurs et bonnes pratiques chez les enfants en bas âges ...qui ont tout à apprendre.

N'est-ce pas là le sens même de la vie dans une société "humainement" équilibrée !?

     Vous me direz que le contexte n'est pas du tout le même dans nos pays qui se disent "développés" !? Mais bien de nos parents âgés, ayant vécu beaucoup de choses, seraient souvent bien plus heureux de finir leur vie tranquillement sous le toit de leur propre famille. Ainsi considérés, ils pourraient encore léguer ce qu'ils ont de meilleur en eux ...avant de ne plus pouvoir le faire !

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1 D'expression portugaise.

2 Qui concerne la pêche, notamment la pêche en mer.

3 Langue parlée dès l'Antiquité au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et dans la Corne d'Afrique. Elle est aussi dite afro-asiatique et est qualifiée de « sémitique » depuis la fin du XVIIIième siècle, d’après le nom biblique de Sem, fils de Noé qui est un patriarche de la Bible ou du Coran.

4 United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization (Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture).

5 Technique de mesure des profondeurs marines. 

6 Brousse (savane) africaine.

7 Vêtement africain: longue tunique (sorte de chasuble) dont les modèles varient suivant les régions et les usages, en tissus de Bazin (coton amidonné) ou toile de wax (cire), aux manches courtes et ayant souvent des broderies.

8 Minérai extrait principalement dans la région est de la République Démocratique du Congo (qui est une zone de conflits, contrôlée par l'armée et où il y a énormément d'abus sur les travailleurs mineurs); de ce minerai, on obtient la "tantalite" et le "niobium" trouvés notamment dans la plupart de nos téléphones mobiles, voitures électriques et réacteurs aéronautiques ou nucléaires ...par conséquent, une source de de grande convoitise industrielle étrangère !

9 Qui s'applique non seulement à la famille directe, mais également à la famille très éloignée qui unit des membres de génération en génération (cela se note, entre autres, aux cérémonies importantes qui jalonnent la vie d'un village ou d'une ethnie, comme les mariages et décès).

Quelle est le cinquième caractère du mot ztgk5hmp ?

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