S’intéresser aux choses et aux gestes

Rédigé par Aquideas Aucun commentaire
Classé dans : Réflexion Mots clés : aucun

     Sur nos points de ventes et marchés hebdomadaires, beaucoup de gens passent devant notre stand et remarquent le panneau “Ouvre-huîtres”.

     Curieux, certains s’arrêtent pour demander comment fonctionne ce drôle de petit crochet. Entre deux clients, nous prenons le temps pour donner des explications par étapes pour ouvrir les huîtres avec ce très simple instrument. Souvent, nous offrons une démonstration qui capte l’attention d’autres passants à proximité.

     La plupart des spectateurs reconnaissent l’astucieuse procédure ...sans risque de se couper. Pourtant, beaucoup se contentent de comprendre le mécanisme ...pourquoi pas ? Certains nous disent alors qu’ils n’aiment pas les huîtres, d’autres disparaissent aussi rapidement qu’ils étaient venus, d’autres encore se décident à en savoir plus. Il y en a qui sont impressionnés et achètent cet instrument peu cher. Parfois, ils en achètent même plusieurs pour les offrir à des proches (ce fût le cas maintes fois à Noël). Nous insistons toujours pour qu’ils pratiquent/s'exercent/s'entraînent sur le lieu-même de vente, ne fût-ce qu’une fois, devant nous. Ainsi, nous pouvons corriger des petits détails chez eux, comme par exemple, positionner leurs mains et respecter l’angle que forme l’ouvre-huître avec le plan de l’huître (afin d'empêcher toutes brisures de coquille). Lisez nos articles publiés au début d’août 2018 et en janvier 2023 et vous observerez que pour ouvrir les huîtres, les gestes sont souvent précis. Car de mauvaises habitudes peuvent conduire à mettre au rancart l’instrument qu’on vient d’acheter... Vraiment dommage ! Toutefois, la fois où vous y parvenez, la récompense est grande ...d’abord, par un gain considérable de temps, ensuite par une ouverture propre ...sans se blesser !

     Un jour, un monsieur d'un âge très respectable m’a avoué qu’il avait rangé son nouvel ouvre-huîtres ...pour compléter sa collection ...parce qu'il n'en sortait pas. En revenant au stand, je lui ai proposé de réessayer ensemble. Il a acquiescé et à la troisième huître il commençait déjà à les ouvrir et à la cinquième cela devenait même ...un jeu ! Il est reparti évidemment ...super-heureux !!! Comme quoi on peut toujours y arriver.

     Une autre fois, c’est une dame de middle age qui me faisait toujours ouvrir plusieurs douzaines d’huîtres et qui me faisait savoir qu’elle ne pouvait pas du tout les ouvrir (avec un couteau ...bien entendu). Ici aussi je suis parvenu à la convaincre que toute femme pouvait également le faire ...si elle le voulait réellement. Après m’avoir observé, elle a essayé notre petit crochet et fût elle-même toute étonnée de voir son huître ...ouverte à la première tentative ...par ses propres gestes ! Dans bien des cas, qui veut peut !!!

     Evidemment, cela demande de l’attention, de l’observation et un peu de pratique pour y parvenir, mais on est tellement content par la suite.

     Curieusement, nous constatons que dans la plupart des couples qui s’y intéressent, c’est en général la femme qui est plus détailliste, dans la manière d’observer. L’épouse enregistre et insiste auprès de son mari de bien regarder la démonstration pour ne pas abîmer le produit et respecter le temps d’ouverture avant consommation. Savoir s’entourer de gens consciencieux est une force pour mener à terme toute démarche !

     Prenons un autre exemple, cette fois avec les gambas. De la fin juillet jusqu’en octobre, nous les pêchons partiellement sur plusieurs jours. Mais par la suite, elles sont souvent peu commodes lors de leur manipulation. Nous essayons alors de “calmer” leur ardeur (...) en les plongeant dans un de nos trois tanks de stockage à l’intérieur de notre cabane. Ici l’eau a quelques degrés de moins que dans les étangs parce que nous la refroidissons au moyen d’un refroidiseur d’eau de mer. Ainsi, nos grandes crevettes restent plus tranquilles, ce qui nous permet de les ranger plus facilement dans les boîtes isothermes conditionnées pour le transport (parfois, elles voyagent vivantes sur 500-1.000 Km). Nous expliquons alors au client qu’arrivé au terme de leur voyage (souvent de retour à la maison après de belles vacances), il faut traiter leurs gambas avec précaution, par une procédure particulière: à la ferme d’où elles sortent, nous insistons sur les bons gestes à avoir chez eux. Pourtant, certains sont bien distraits lors des conseils avancés ...et lors de leur prochaine visite, ils nous avouent qu’à destination ces crustacés sautaient en tout sens sur le carrelage de leur cuisine ...et qu’ils avaient passé beaucoup de temps à les repêcher ...et que cela n'avait pas été de tout repos ! Il ne faut pas oublier que ces crustacés sont des animaux “subtropicaux”, donc lorsqu’ils sentent une température plus élevée ...comme c’est généralement le cas dans une cuisine, ils se réveillent et sortent de leur torpeur. S’ils avaient écouté, il aurait été plus aisé de les mettre promptement dans un sac en plastique et hop au frigo ou au congélateur selon le cas.

     Enfin dans un dernier cas, nous informons sur la façon d’utiliser la spiruline (car il y a certaines précautions à prendre pour une meilleure assimilation), consommer nos soupes (aux 5 saveurs) ou réaliser des huîtres gratinées (car certains ont des a priori). Parfois, on entend, mais on n’écoute pas forcément. A d’autres moments, on se détourne de l’explication (alors, pourquoi en demander). Plus rarement, on pose l’une ou l’autre question par curiosité (peut-être pour tester le vendeur), mais il nous arrive de constater que les yeux et oreilles sont déjà autre part ! Nous donnons volontiers une partie de notre savoir, mais préférons que les explications aient un impact ...pas seulement chez notre interlocuteur ! Heureusement beaucoup savent capter l’information: ce sont plus généralement les gastronomes et amateurs d’aliments de qualité, sortant de l’ordinaire, parce qu’ils veulent toujours en savoir plus. Le danger (si on peut le qualifier de tel) est qu’ils passeront souvent plus de temps à nous écouter pour en savoir suffisamment. Malheureusement, cela ne peut se faire qu'entre le flux de ceux, plus pressés, qui ne veulent qu'acheter, car l'environnement d'aujourd'hui nous pousse fréquemment (fort tristement) à ...courrir !

     Pourtant notre plaisir ne se résume pas seulement à donner des renseignements complémentaires sur les différentes facettes de notre métier: si le client a pu suivre le fil des explications et qu’il est capable de passer l’information à autrui, des proches, la famille ou ses invités alors, notre pari est gagné !

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